Vélomagus, récit d'un vélotafeur accidenté.

Épileptique ?

Il reste encore ces moments d'absence qui ne disparaissent pas. J'en parle à mon médecin qui éventualise deux choses:
 
- il se peut que ce soit des symptômes de stress post-traumatique
 
- il se peut que ce soit dû (malgré le casque) à des petites blessures au cerveau qui cicatrisent lentement et qui génèrent des crises d'épilepsies partielles.
 
On explore donc d'abord la première hypothèse. Pour ce faire, on me redirige vers une psychothérapeute qui pratique la méthode EMDR (basée sur la stimulation visuelle des deux hémisphères cérébraux). Cela tombe bien, cela fait longtemps qu'on me conseille d'aller voir un psy même si je n'en ai pas ressenti le besoin.
 
Les séances me font vraiment du bien mais les symptômes persistent. Ainsi à l'occasion d'une consultation pour un de mes enfants, mon médecin généraliste m'exprime son souhait que je voie un neurologue pour explorer l'hypothèse des épilepsies.
 
Je prends donc rendez-vous. Pour le neurologue, tout cela ressemble fortement à des symptômes de crise d'épilepsie partielle. Il veut que je passe un ElectroEncephaloGramme (EEG). Quinze jours plus tard me voici avec des électrodes sur la tête posées par, chose du hasard, une amie avec qui je fais du théâtre chaque jeudi soir. Je vous avoue quecela m'a mis en confiance.
 
Malheureusement, à quelques perturbations prêt, l'EEG ne montre rien de probant. En fait l'idéal avec ce genre d'examen c'est de le faire pendant une crise. Et manque de chance, la série de crise venait de se produire la veille. Malgré tout, le neurologue est assez sûr de lui et me prescrit un antiépileptique à prendre deux fois par jour, potentiellement à vie. Avec tout ce que cela implique d'effets secondaires: fatigue, irritabilité, vertiges, envies suicidaires (!) ... Le but du traitement est de supprimer les crises mais je les trouve supportables et maîtrisables, je lui demande donc si je ne peux pas éviter de prendre le traitement. Il me fait bien comprendre que si je ne me soigne pas, il pourrait être dans l'obligation de faire suspendre mon permis de conduire. J'accepte donc, et prends rendez-vous dans six mois pour faire un bilan.
 
Quelques jours plus tard, j'ai rendez-vous avec le médecin expert du fond de garantie. Après l'expérience du médecin-conseil de la sécu, je vous avoue que j'étais un peu tendu. Déterminé à ne pas me laisser traiter comme un coupable. Et bien j'ai dû me raviser car j'ai eu l'agréable surprise de tomber sur quelqu'un d'empathique et de factuel. L'examen en lui-même a été assez déroutant car il a été exhaustif avec des termes médicaux précis. Malheureusement, il m'explique qu'il ne pourra pas statuer sur mon cas car je ne suis pas consolidé (à cause de l'hypothétique épilepsie). Il me fait bien comprendre que si l'épilepsie est prouvée, mon indemnisation en sera augmentée de façon significative surtout si je dois prendre un traitement à vie.
 
Pendant ce temps, je prends le traitement avec assiduité. Au début effectivement j'en ai ressenti les effets secondaires (en particulier l'irritabilité) et puis je m'y suis habitué. Les crises ne sont pas supprimées, elles se sont espacées mais sont toujours présentes
 
Les séances de psy sont désormais terminées et m'ont permis de faire l'inventaire des conséquences psychiques de l'accident. Et, chose improbable, trouver du positif dans ce qui m'est arrivé. Oui c'est possible. Puisque j'ai échappé à la mort je suis beaucoup plus terre à terre. J'étais du genre à m'en faire pour un rien. Et je me suis rendu compte que ce rien était futile. Cela prendrait un site entier pour raconter tout ce qu'on a pu débriefer avec la psychologue, le rapport avec la famille, la dégradation de l'être, les actes manqués, la peur que cette histoire tombe dans l'oubli, la mort de l'ancien moi et la naissance d'un nouveau moi...
 
Alors voilà c'est LE point que j'ai voulu mettre en avant. Malgré toutes ces turpitudes, le bilan de toute cette histoire est difficile à dresser. Oui ça a été dur, oui j'en garde des séquelles tenaces. Mais c'est aussi parfois dans ce genre d'épreuves que nous arrivons à faire des choix, et qui nous pousse à l'introspection pour nous rendre compte de ce qui est vraiment important dans la vie.